Pour cette nouvelle exposition de l'Atelier Grenelle, une trentaine d'élèves ont participé en nous apportant leurs réalisations modelages, peintures et dessins. Cela nous a permis de présenter le travail des débutants comme des confirmés.
Tous ces petits personnages happent mon attention lors de mes déambulations dans les musées. depuis des années. Ce sont des masques, des sculptures, des reliquaires, des statuettes commémoratives... Je suis touchée par une expression, un regard, une inclinaison de la tête, une histoire qu’ils me racontent. Par leur humanité.
Je m’arrête. Je les dessine tels qu’ils m’apparaissent, à moi. Je fais leur portrait. J’aime leurs blessures et leurs réparations. Et tous ces matériaux de bric et de broc.
C.F.
Lever l’encre
Pour commenter l’évolution de leur travail, les artistes disent souvent qu’ils «abordent» un nouveau thème, une technique inconnue, une expérience formelle inédite.
Aborder.... Pourquoi cet emprunt au vocabulaire maritime ? Aborder... après avoir levé l’encre ? Hisser les vouleur ? Déchiffré les cartes et suivi le trait de côte après avoir vogué sur des lignes d’horizon ?
Maud Livrozet a longtemps été une navigatrice dimensionnelle, familière du rapprochement des extrêmes : à tribord, l’infiniment vaste des territoires vus de l’espace, à bâbord l’infiniment petit des cellules vivantes et des matériaux observés au microscope. Et au milieu la ressemblance des formes, l’entrelacement dimensionnel.
Mais aujourd’hui, cette aventurière se propose d’explorer tout bonnement la mutation fusionnelle et organique de ces extrêmes. Sur la carte d’une île, elle identifier derrière les écueils d’une plage les ecailles d’un monstre marin ; sous les falaises à ic, les pinces massives d’un tourteau ; sous la dentelle des récifs, les échancrures d’une algue des hauts fonds ; et derrière l’entrelacs des sentiers côtiers, les moustaches d’une crevette.
Reconnaître (encore un terme marin !) ces rivages avec un tel filtre du regard conduit déjà à capturer des formes nouvelles dans les filets de son dessin. Et puis il y a les cartes. Une passion dévorante. Ne parlez jamais équipement GPS à Maud, elle vous incendiera, vous et votre voiture. Quoi, chercher les chemins de sa vie ailleurs que sur des cartes ? Impensable horreur. En revanche, si vous voulez un jour lui faire un cadeau : une carte routière, marine ou randonneuse fera merveille. Les cartes lui racontent bien plus que la réalité d’un terrain ; Maud y voit d’authentiques expéditions graphiques. Des trous d’ombres, des bulles d’air, des échelles à référence variable. Et aussi : nuages, mousse, moisissure, rouille, enfouissement, saillie, carapace. Sous son regard, l’organisation géographique (côte, fleuve, ville, quartier, rues) se dissout dans les métaphores du vivant.
Tous ces territoires vierges, à la fois fictifs et organiques, familliers et inconnus, Maud les a conquis en notre nom avec ses crayons, ses rouleaux de cartes, son ciseau espiègle et son amour des êtres vivants.
Cet univers visuel et singulier, si personnel, est sa découverte. Elle y a planté son drapeau pour aborder, au gré des vents qui la portent, ses archipels étranges.
E.Peireira oct. 2013